La colère ne se transforme pas toujours en résignation. Avant d'éclater, elle gronde, gonfle. A Amiens (Somme), quelques manifestants ont repris le chemin de la contestation depuis le déconfinement. Ils étaient une cinquantaine, fin juin, à battre le pavé. Convergeront-ils à Paris, le 12 septembre, pour former un grand cortège comme l'espèrent plusieurs personnalités du mouvement des Gilets jaunes?
« Difficile à dire. A Paris, on s'est tellement fait taper dessus par les flics… Mais, perso, je ferai tout pour y être, prévient Vincent, un quadra, chauffeur routier. Depuis novembre 2018, malgré les ronds-points, « la situation économique s'est aggravée dans les foyers, observe-t-il. Dans le coin, beaucoup de gens ont perdu leur boulot, sucent des cailloux pour nourrir les mômes alors que les patrons de la grande distribution se sont gavés comme jamais grâce à la crise. »
A ces constats s'ajoutent aujourd'hui « un malaise grandissement lié au sentiment d'être fliqué par les technologies, trompés par le gouvernement et les médias, notamment sur l'utilité du masque… » Son frère, Anthony, ambulancier 60 heures par semaine pour un peu plus de 2 000 euros par mois, a décidé d'arrêter de passer devant la boutique de chocolats du père de Brigitte Macron, Jean Trogneux, dans le centre d'Amiens. « A quoi bon, je ne peux même pas les acheter… »
La colère, elle pèse sur la poitrine. « Elle est sourde et lourde, et cela depuis des années », concède-t-il. Le père de famille décrit sa ville, Frévent, à une heure de route plus au nord. « Allez au Lidl, vous verrez tous les pères de famille qui payent la bière en pièces rouges avant d'aller attendre les gosses devant l'école. »
Zohir, 18 ans, qui entre en terminale STMG, décrit « un mélange de colère liée au faible pouvoir d'achat et de frustration, car les gens ont le sentiment que toutes les manifestations des Gilets jaunes n'ont servi à rien ».
Comme ses copains, le futur bachelier a passé l'été avec son sac de livraison rivé sur le dos. Si les manifestations des Gilets jaunes reprennent au cœur de la capitale, il ira « pour que s'assurer le message soit bien passé, cette fois ». Il y aura « plus de jeunes car beaucoup d'amis n'ont plus de stage, ni d'alternance… » espère-t-il.
Ces jeunes, Lionel, 57 ans, les voit parfois dériver. « Ils sont dans la débrouille. » Une raclette à la main, et un tatouage de Renaud bien en évidence, il se bat. « Aujourd'hui, je vais ramasser 30 € pour trois heures de nettoyage », explique-t-il. Un job trouvé grâce aux chèques emplois services. Le regard perdu, il décrit une « période violente », des rendez-vous à Pôle emploi où on lui avance qu'il n'y a « rien pour les plus de 50 ans ». En attendant, l'homme survit grâce à une allocation de 500 € par mois à laquelle il ajoute « 200 € de débrouille ». Lui n'ira pas manifester. « Laisse béton, pas envie de me retrouver au milieu des casseurs. » A 57 ans, il lui reste dix années à tenir pour avoir sa retraite à taux plein. D'ici là, il espère travailler encore. « Ici, personne ne manque de courage, c'est juste le boulot qui ne vient pas. »
August 27, 2020 at 11:05AM
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«Un mélange de colère et de frustration» : à Amiens, le feu social couve - Le Parisien
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Feu
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